Sur le tableau de bord de la voiture, Wayan Tara, notre guide,* a déposé l’offrande préparée par son épouse, pour protéger notre chemin. Il affectionne ce qu’il appelle « the bad way », Moi aussi.
Emprunter les chemins de traverse. La vie va, harmonieuse. Il manque aux images l’atmosphère si particulière de ces chemins là, la sérénité joyeuse des rencontres.
Rien n’est plus important que célébrer les dieux ou les ancêtres, apaiser les démons. Maintenir l’équilibre du monde. Créer patiemment de la beauté. Jour après jour.
Bord de la route et femmes parés pour les cérémonies passées ou à venir, chiens curieux, scooter, la traversée d’un village
Intarissable sur les coutumes de son île, Wayan Tara a quatre enfants : trois filles et un garçon. Il est cultivé, fier de ses traditions et musicien. La route du nord traverse Pisan, son village, et c’est un arrêt mémorable. Plein soleil sur l’heure de la récréation, les enfants curieux de moi comme je le suis d’eux, nous échangeons des sourires et des mots.
Saraswati, un rouleau dans la main droite pour ne jamais oublier d’apprendre, une fleur de lotus pour la foi, un instrument de musique pour les arts… Grandir… S’élever.
Douceur de se poser dans le Balé familial, siroter une tasse de café de sa plantation, déguster les beignets de bananes et de mais préparés par la fille aînée de Wayan, tandis qu’il nous joue un petit air de rindik (instrument traditionnel en bambou).
Les démons et les mauvais esprits ne savent avancer qu’en ligne droite. Le mur (Aling Aling) situé juste après l’entrée et que l’on doit contourner à gauche ou à droite protège les habitants du balé de leur intrusion. Chez Wayan Tara, des plantes à épine sont plantées devant : deux précautions valent mieux qu’une.
Les démons et les mauvais esprits ne savent avancer qu’en ligne droite. Cela me plait bien, ce concept !
Le long de routes défoncées, vue sur la jungle, les rizières et le mont Agung enrubanné de nuages, passage à Singaraja, l’ancienne capitale, toute imprégnée de l’influence de Java,
Temple chinois, déjeuner avec vue sur les rizières, la jungle et la montagne en face, les bateaux de pêcheurs au bord de l’océan sur les côtés : un concentré de Bali. Le long de la route, les girofliers en veux-tu en voila, saturent l’air de leur parfum entêtant.
Gravir les hautes marches d’un temple bouddhiste, Longer les lacs Buyan, Tambligan et Bratan. Plonger le nez dans les pompons blancs à l’odeur sucrée du café de Bali.
- Les pompons blancs du « café Bali »
Et encore le Pura Ulun Danau Bratan, un peu perdu, sans les reflets de l’eau qui l’a déserté, c’est la fin de la saison sèche. Au retour, la nuit enveloppe très vite le paysage, et je me laisse bercer par la musique du groupe de Wayan, les lenteurs du chemin de retour, la fatigue du jour. Il fait bon retrouver la maison, boire le thé en papotant, les yeux plein d’images, un peu plus sage.
* Florence, hôte de Kadek et Irak, partage le tour « du nord via Bratan » avec moi, ce jour-là