de Amed à Gili Meno

Sur la terrasse du bungalow à 6 heures à peine passées  le soleil sature déjà l’atmosphère. Un pick up plein d’écolières en uniforme passe, Daimon arrose le jardin, c’est l’heure du petit déjeuner des martinets, je reviens de la plage où j’ai regardé le soleil s’extraire d’un voile de longs nuages gris d’acier, sous lequel semble couver un foyer de braises,

vue de la plage en face de Sinar Bali 2, le lever du soleil

vue de la plage en face de Sinar Bali 2, le lever du soleil

Très tôt le matin c’est l’heure ou des bancs de minuscules poissons argentés jouent à saute mouton sur la mer, gobés au passage par quelques plus gros qu’eux les suivant de près, l’heure où le petit chien noir et son copain le petit chien blanc batifolent sur la plage.

La vachette s’est défaite de son joug et approche prudemment de moi, étonnée de ma présence matinale, un couple de martin pêcheurs se perche sur l’arbre à mes côtés, des compagnies de minuscules oiseaux s’empressent en piaillant avant que la chaleur ne les poussent à se mettre à l’abri.

Un ronronnement venu de loin  s’amplifie puis cesse brusquement, les prahus reviennent de la pêche.

Les porteuses de bagages sur la plage de Jemeluk

Les porteuses de bagages sur la plage de Jemeluk

Le taxi est à l’heure pour m’emmener à Jemeluk, d’où part le speed boat* pour les Gilis, J’ai choisi de m’arrêter à Gili Meno, la plus petite des 3 îles qui font face à Lombok.

*voir page pratique budget

la côte, du côté d’Amed, vue du large

Gili Meno, le temps ralentit encore, pas de voiture : des cidomos, carrioles tirées par des petits chevaux au pas vif. Le tintement des clochettes et le claquement des sabots étouffé par le sable du chemin sont les seuls témoins de leur passage. Un cocher perché à croupetons sur un côté et la carriole transporte dans un joyeux tintinabulement, un inventaire à la Prévert : marchandises, bonbonnes d’eau, matériaux et petite vieille recroquevillée dans un coin.

Le chat et sa proie, un gecko

Le chat et sa proie, un gecko

Si le cri du gecko fait partie du paysage sonore, je n’en ai vu qu’un seul, qui a mal fini, entre les pattes d’un maigre chat sur l’île de Gili Meno…

Jus de fruit zen les pieds dans l'eau

Jus de fruit zen les pieds dans l’eau

Cela commence comme un grincement agaçant de moustiques, puis prend de l’ampleur, c’est l’appel à la prière sur cette minuscule île musulmane.

Le vent remue la mer et le sable trouble l’eau, mais tandis que je me noie dans la contemplation de mes petits poissons, je sens une ombre silencieuse à mes côtés : une tortue majestueuse de lenteur et d’indifférence nage à portée de main; Ma présence ne la trouble pas, moi qui suis troublée par cette rencontre.

 photo de Tortue empruntée à la toile (je n’ai pas de photos sous marines, rien que des belles images plein les mirettes)

Je reste longtemps, au bord des couleurs mouvantes de la mer, rêvant et contemplant les jeux des enfants, les capitaines et leurs bateaux, les vendeuses de fruits, les vendeurs de perles (un peu collants) les monts de Lombok se voilant, se dévoilant dans les bras du vent. Le jour très vite s’en va, les roses du crépuscule sont de l’autre côté de l’île mais le chemin que j’emprunte se perd dans le petit village des gens d’ici, où les coqs et poules haut sur pattes cherchent pitance au milieu des déchets, où il se trouve toujours quelqu’un pour me demander comment je vais, et d’où je viens, où toute une famille de chats blancs et roux s’entraîne à chasser, où des petits enfants jouent au ballon, vont à bicyclette par deux, distribuant des hello tout sourire à l’étrangère que je suis.

Jeux d'eau à Gili Meno

Jeux d’eau à Gili Meno

Les marchandes de fruit, sur la plage, à Gili Meno

Les marchandes de fruit, sur la plage

Ambiance douce, et douche dehors, avant d’aller dîner juste à côté, 2 couples silencieux, chacun happé par son smartphone partagent avec moi la petite salle à manger de bambous en plein air.

La douche en plein air, super sous les étoiles, un peu brûlante l'après midi sous le soleil

La douche en plein air, super sous les étoiles, un peu brûlante l’après midi sous le soleil

Une journée à Amed

J’ai laissé les rideaux ouverts, avec vue sur la mer, et c’est l’aube rose dorée qui me réveille, les oiseaux chantent ici et les bateaux de pêcheurs glissent silencieusement sur l’eau, première tentative de snorkeling à 6 h du matin, seule en tête à tête avec des myriades de poissons : jaune éclatant, bleu électrique, noir métallique, des petits, des moyens, des gros, les longues chevelures des anémones, le silence de cette lente chorégraphie aquatique, l’immensité que l’on pressent…

Le retour des prahus, après la pêche le matin, comme de gigantesques insectes en équilibre sur l'eau

Le retour des prahus, après la pêche le matin, comme de gigantesques insectes en équilibre sur l’eau

Je suis la seule hôte des 3 bungalows : pas grand monde à Amed en ce moment, et c’est tant mieux, quelques babas cool, un ou deux couples esseulés, j’aime bien que cela soit comme ça, une vie au ralenti, des panneaux vacancy room un peu partout.

Ketut, le propriétaire me dit que c’est difficile, son crédit à la banque lui procure du stress. Il me montre la photo de son joli petit garçon de 3 ans, celle de sa femme avant leur mariage et s’enquiert de « where is my husband ? »…

Au petit déjeuner, un klaxon insistant, le marchand ambulant du matin  en scooter avec une petite boite rose, dans laquelle se blottissent des friandises étrangères à ma gourmandise.

Daimon sur la plage de Tumlaben

Daimon sur la plage de Tumlaben

Daimon, mon chauffeur du jour, m’emmène faire du snorkelling en scooter, de criques en criques et jusqu’à Tumlaben où la proximité des abysses et le mouvement puissant de la mer écourte la contemplation des poissons, des garçonnets se baignent tout nus et réclament à grand cris « photo » « photo » ils prennent la pause à l’asiatique et sont bien drôles nus et brillants de l’eau de mer.

Baignade entre copains sur la plage de tumlaben

Baignade entre copains sur la plage de tumlaben

Daimon suggère de m’emmener à la cascade de Unjung et nous prenons la route, trop fréquentée, alors demi-tour et je me pose à la terrasse de Sinar Bali 2 pour déjeuner et boire un café bali un peu amer. Ecrasées de soleil les guest houses somnolent, seules les voix des enfants et le pépiement de quelques oiseaux ponctués du vrombissement d’un scooter de temps en temps.

Paysage le long de la route entre Tirta Gangga et Amed

Paysage le long de la route entre Tirta Gangga et Amed

Les jeunes hommes amis du boss ont le pantalon taille basse sur le caleçon, un clou planté dans l’oreille, voire une mèche folle et rousse et 3 poils follets sur le menton.

Je joue avec le petit garçon et papote avec la femme du boss (20 ans !) au son du gérantang (gamelan en bambou). C’est la petite Comeng ensuite qui réclame une photo, avec qui je joue, joyeuse et légère.

sur la terrasse du restaurant, le fils et la nièce de Ketut

sur la terrasse du restaurant, le fils et la nièce de Ketut

La femme et le fils de Ketut, "boss" du Sinar Bali 2

La femme et le fils de Ketut, « boss » du Sinar Bali 2

Comeng espiègle petite fille

Comeng espiègle petite fille

Comeng et son papa

Comeng et son papa

J’attends 16 h pour aller snorkeller à Jemeluk, et y contempler ensuite, d’une hauteur, le coucher de soleil sur le Mont Agung.

Embarquement immédiat pour snorkeller à Jemeluk

Embarquement immédiat pour snorkeller à Jemeluk

O planer au milieu des poissons, s’émerveiller de leurs couleurs chatoyantes dans les rayons du soleil, courses poursuites, rencontres étonnées, banc de sérieux tout de noirs parés avec une coquetterie orange au niveau de la queue, tout petit coloré chuchotant à l’ouïe de bien plus gros que lui, les coraux comme des sculptures qui respirent doucement, palpitant de la vie de tous ses habitants, ô se laisser porter hors du temps dans cette douceur multicolore.

Coucher de soleil sur le mont Agung, vue des hauteurs de Jemeluk

Coucher de soleil sur le mont Agung, vue des hauteurs de Jemeluk

Nous ne sommes pas les seuls à attendre le coucher du roi soleil mais pas si nombreux non plus et c’est si doux d’être là,de laisser l’horizon se colorer de rose et de mauve et s’effacer tout doucement dans le bleu intense de la nuit..

Douche sous la lune, je mets mon réveil à 5 h 30 pour me régaler de l’aurore, entends dans la nuit noire,  un « madame » « madame » insistant :  un petit monsieur tout fripé est là qui s’excuse abondamment, déclare être le chauffeur de l’hôtel et me demande si j’ai besoin de ses services. Malheureusement (pour lui) j’ai déjà réservé la suite de mon escapade et il s’efface dans l’ombre du jardin, déçu et très poli, tout en « sorry to disturb you » (désolé de vous avoir dérangée).

Le warung à côté bruisse de monde mais j’ai envie de solitude ou plutôt j’ai déjà fait le plein de rencontres sympas, j’ai envie d’une pause, d’être là, avec juste ce qu’il faut de conversations aléatoires dans nos mauvais anglais respectifs.

Un tour vers Amed

Bubur Injin (riz noir au sucre de canne servi chaud) et cri du coq au réveil à 6 h ce matin. Il fait un peu frais, la petite mamie passe en trottinant, une couverture sur le dos, Nyoman frissonne et Raï a mis un sweat.

Je partage un tour vers l’Est (Amed*) avec Joh et Sylvie, Quentin et Flore,  Longue journée de route mais baignée de tant de nuances de vert, mais une pause jus de fruit avec vue sur le mont Agung**, dans la région de Sidemen, mais le tissage double Ikat dans le village des Bali Aga de Tenganan , l’enchantement des jardins royaux de Tirtaganga (littéralement « eau du Gange »), tant de reflets bien ordonnés, la montée vers le temple de Lempuyang, seuls avec l’idée des dieux et des démons,

* bon plan : partager un tour et se faire déposer, c’est sympa et cela économise un transfert

**Toit de Bali (3 014 m), repère dans les paysages de l’est et du sud de l’île, le volcan Agung est surtout le « nombril du monde » balinais : avec le mont Batur, il serait né de la séparation en deux du mythique mont Meru, centre cosmique de l’univers. Son éruption de 1963 recouvrit toute l’île de poussière et fit 2 000 victimes (Guide vert Michelin,

on peut marcher sur l'eau dans les jardins de Tirta gangga

on peut marcher sur l’eau dans les jardins de Tirta gangga

Le temple de Lempuyang,  du haut des marches

Le temple de Lempuyang, du haut des marches

Montagne sacrée

Montagne sacrée

rencontre au pied du temple, à Lempuyang

rencontre au pied du temple, à Lempuyang

Il fait presque nuit quand Wayan Tara me dépose à Sinar Bali 2, un ensemble de 3 bungalows tenus par une petite famille de sa connaissance.

Le ventilateur peine à me donner un peu de fraîcheur mais la douche en compagnie de la lune (la salle de bains et à ciel ouvert) est délicieuse et je me réjouis d’avance de la vue sur le lever de soleil qui sera mon cadeau demain.

Petite pause avant d’aller dîner de crevettes au curry et d’un pancake à la balinaise (noix de coco, banane, caramel). Il me faut bien ça pour affronter la surprise d’un cafard de 5 cm qui me tombe dans le cou … quand je me lave les dents…