Arrecife

Longue nuit dans le grondement des vagues montantes, au matin la mer s’est retirée, lumière irisée, s’éveiller au bord d’une journée solitaire, rayon d’action limité.

« Ne cherche pas à faire que les événements arrivent comme tu veux, mais veuille les événements comme ils arrivent, et le cours de ta vie sera heureux » Epictète

A peine marcher dans le grand soleil brûlant, adouci par le vent. Au bord de l’océan, serrés sous un auvent, des hommes – exclusivement – jouent aux cartes, aux dominos, chuchotements rauques, brefs éclats de rire.

Grand Hôtel Arrecife, un noble africain, pieds nus, en boubou bleu ciel, babouches jaune d’or déposées, affalé sur canapé. Arrive une belle, toute enturbannée de blanc, accompagnée de deux mini coquettes à l’européenne, tresses perlées sur le front, robes de tulle froufroutantes. S’avancent vers lui, touchent la main qu’il leur tend et font révérence, avant de se retirer ; suivies de peu par une élégante en boubou chatoyant, qui s’incline pareillement en baisant, yeux baissés, la main tendue nonchalamment par le seigneur du hall.

Autre jour,  au réveil, vue plongeante sur plage, 4 plots de chantier, 4 policiers en rang et en tenue  à distance respectueuse d’une forme allongée sous toile rouge, le cadavre d’un homme que les vagues caressent en se retirant. La police scientifique arrive, une frêle jeune femme aux longs cheveux bruns et deux grands costauds munis d’impressionnants appareils photos. Elle enfile des gants de plastique vert, palpe le corps sans vie et le retourne encore et encore, photos, portait, face, profil, de près, de loin.

Les passants doucement s’agglutinent, s’interrogent, émettent des hypothèses.

Le temps d’une absence, voila notre homme tout empaqueté de plastique blanc, sanglé de noir sur un brancard roulant vers  la morgue, solitaire et glacé, tandis que nous poursuivons notre journée de vivant. Jusqu’à quand ?

Voila une brusque averse toute en finesse et de nouveau le bleu du ciel, calme revenu sur la plage où semble-t-il, jamais la mort n’a rôdé.